Te revoir

Ce temps, je l’avais mesuré en phrases courant sur du papier, des écrans, puis en distance décroissante jusqu’à toi. Aujourd’hui je me surprends presque de l’exprimer en années, en minutes. Mais qu’importe qu’il fût long ou court, utile ou gaspillé, ces lignes, ces routes, cette aiguille luminescente sur son cadran bleu m’ont toutes conduit à ce soir, à ce restaurant près de la plage, dont on dirait c’est possible, qu’il avait été placé là bien à l’avance en prévision de l’événement.

Tout petit restaurant, qui lorsque je le regarde de loin, me paraît comme appartenant à l’une de ces maquettes de trains électriques que construisent les grands enfants. Et je l’ai regardé, d’en haut, les jours d’avant. Interrogé j’ai failli, mais sans oser. De crainte, je l’avoue, que trop m’y projeter, qu’une joie présomptueuse, qu’un oubli du fragile de la trame des événements ne balaie d’un souffle l’instant espéré, ne le dissipe avant que je ne l’atteigne. Il y a donc eu: Des jours trop longs et bien trop silencieux. Puis une toute petite heure, rétrécie à l’extrême, affairée, qui m’a tout juste permis de finir de lacer mes chaussures cirées au mieux pour me précipiter.

Et ensuite un arrêt, presque brutal, de l’autre côté de la route, dans le froid, face au parvis, à interroger les phares de chaque voiture dans le crépuscule, à sentir toute assurance quitter mes membres, à n’être plus que moi et juste là, à la fois somme de tant de jours, de tant d’élans, de discussions, de courages, et si fragile devant la porte que je toisais de loin avant de la franchir. Je suis entré, on m’a reconnu, souri, conduit à une table près de l’âtre qui irradiait une chaleur enveloppante. Je n’ai rien vu, je ne sentais plus que mon coeur qui battait le compte de minutes absentes du monde.

Derrière moi, une silhouette est passée déformée par la vitre, à laquelle je n’ai pas cru tout de suite, quelques mots étouffés. Tu étais là. Tu ne l’es jamais instantanément quoique toujours très vite. Il me faut à chaque fois cette brève pause, pour redécouvrir ta réalité, réaliser ta présence, sourire de ton sourire, et me dire: C’est toi.

Puis nos mots. Trop, pas assez, je ne sais pas. Les assiettes délicieuses s’estompaient pour laisser place aux reflets des flammes. Je t’ai dit mais je te regardais. Tu m’as parlé avec passion, de visages, d’un monde que je regarde de l’extérieur, de ce que tu y as découvert. Tu m’apprendras, n’est-ce pas? Mais surtout j’ai vu et jusqu’à te laisser malgré moi repartir du parking, ces étoiles, étincelles, comme celles qui s’échappent du feu lorsqu’il crépite, non-seulement dans nos yeux mais encore tout autour de nous, qui dansaient, et ne nous appartenaient plus.

J’aimerais te revoir.

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