Rencontre avec le destin.

Tu connais ma réticence à parler de destin tant tu sais que je veux croire que nous sommes libres et donc pleinement responsables des nos actes. Penser qu’il y a une main invisible qui nous guide, ce serait nous ôter une part de notre libre arbitre, et donc de notre implication dans ce qui nous entoure.

Mais il y a cette impression qui perdure, protectrice et lumineuse, ce sourire dont je te parlais dans un précédent billet. Aussi, par un de ces mécanismes qui commencent à me devenir familiers et dont je ne veux me défendre, c’est-à-dire une chaîne d’événements qui semble faite d’une succession de coïncidences, je suis allé trouver la personne qui me semble être une spécialiste du destin.

Celle qui m’attendait ce jour là est une femme svelte d’une quarantaine d’années, les cheveux courts, noirs, légèrement grisonnants. Il exhale d’elle le charme évident d’une intelligence sereine que viennent souligner un visage détendu et un regard bienveillant. Elle m’a reçu dans l’arrière-salle d’un atelier de bijouterie.

Depuis une quinzaine d’années, elle tire les tarots dits mystiques. C’est-à-dire, qui représentent l’état d’un individu à un moment donné. « Sont censés en représenter l’état, » aurais-je eu envie de dire, tant j’étais sceptique alors que mon hôtesse me servait le café. Puis j’ai dû battre les cartes et en choisir dix. Tu imagines volontiers qu’en être éminemment prévisible, j’ai pris les dix premières. Elle les a ensuite disposées dans l’ordre initial sur un tapis de table où sont dessinées dix positions. Puis elle m’a demandé si elle pouvait retourner la première carte.

Et ce fut La Mort.

Combien y a-t-il de cartes dans ce jeux, et la première était celle qui correspondait exactement à mon état d’esprit!

Elle représente Hadès, dieu des Enfers, enveloppé d’une toge, et coiffé de son heaume d’invisibilité. Derrière lui, le Styx, et plus loin encore, au-delà de montagnes, un lever de soleil. A ses pieds, trois personnages, nus, dont un enfant qui tend une fleur, et dont les traits n’expriment pas la crainte.

Perte irrémédiable de ce qui fut ma vie d’avant, – que dire de ceux qui l’ont peuplée – c’est nu que l’on descend aux Enfers, deuil de mon attitude ancienne. L’avenir encore incertain se dessine à l’horizon, et la confiance innocente permet de surmonter la crainte.

Puis la séance a continué ainsi, reprenant exhaustivement les sujets de mes réflexions de ces six dernières semaines. Exhaustivement. J’ai naturellement demandé où était le truc.

2. Les Amoureux
3. La Lune
4. Neuf de Deniers
5. Sept d’épées
6. Six de Coupes
7. Sept de Bâtons
8. Huit de Coupes
9. Le Jugement

Et nous avons terminé avec un Dix de Coupes aux étranges promesses. La séance avait duré deux heures et demie. Celle qui m’accueillait a relevé la tête en souriant, m’a regardé et m’a dit : « Vous paraissez ému. » Evidemment que je l’étais.

Ressorti, je me suis arrêté un instant pour mettre mon bonnet. Le ciel était très bleu, le soleil brillait d’une lumière dorée. Une grande fille est passée qui ne m’a pas regardé. Je suis reparti.

Je savais que j’allais quelque part.

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