De l’ombre à la lumière

Quelque part vers Montreux, lorsqu’on vient de l’Est par le train, le tunnel soudain fait place à une voie accrochée très au-dessus de la surface du Léman, entre les roches et les vignes, qui survole l’onde dans une explosion de verts et de bleus, dans un éblouissement après qu’on ait longtemps, longuement, traversé l’obscurité souterraine de la montagne.

Certains disent que c’est là que le voyageur alémanique jette son billet de retour.

Je parcourais une galerie sans fin, trop loin de ton sourire, de ton regard lorsqu’il effleure mes pupilles. Je ne savais plus autre chose que le manque pour le manque, chuter dans le vide. Puis comme souvent depuis le début, une série de petits événements, si bien ordonnés qu’ils semblaient avoir été disposés là uniquement à cet usage, se sont enchaînés qui m’ont conduits à la table.

Où tu buvais un surprenant café, où il y avait une tasse pour moi, où l’on a retrouvé des mots, des gestes, pas tous déjà, c’est certain sur ce long chemin. Mais la lumière, celle du Léman ou de la Tyrrhénienne, peu importe, était là, et je crois en fait qu’elle ne s’était jamais absentée, pour nous envelopper, nous étreindre, nous exprimer qu’elle aussi avait quelque chose à nous dire.

Le lendemain en entrant au salon je me suis désespéré que les vitres lavées deux fois dans la semaine soient à nouveau recouvertes de pluie. Mais quand mon regard s’est porté au-delà, je l’ai vu: Un arc-en-ciel d’une incroyable intensité, qui passait devant les arbres pour prendre forme à côté de l’abri du cheval, en face. Je sais bien que c’est juste la clarté qui se décompose dans les gouttelettes. Pourtant…

Je nous rêve assis côte-à-côte, face à la mer, un peu bossus, qui nous disons…

L’amour est une fleur délicieuse, mais il faut avoir le courage d’aller la cueillir sur les bords d’un précipice affreux.

Stendhal – De l’amour (1822)

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