Une nuit comme celle-ci

De quoi voudrions-nous être nostalgiques, après-demain, à l’heure de se rappeler en sourires encore ? Il nous faut les créer, les vivre aujourd’hui, ces souvenirs à venir. Pour que nos rêves soient plus, que des rêves.

Le jour nous avions roulé sur la route du bord de terre, dans les bleus du ciel, de la mer, le soleil. Un peu assourdis de l’air qui s’engouffrait par les fenêtres du tout-terrains, des vacances qui s’étendaient sur les serviettes de plage, de la chaleur qui nous anesthésiait. Puis le soir nous nous étions retrouvés au bord de l’eau.

Enfin non, pas immédiatement. Je t’avais attendue, là, près des braises que j’atisais, le souffle court, un peu anxieux. Si tu n’arrivais pas ? Une portière refermée, une grappe de secondes muettes, et ta présence enfin, matérialisée, m’avaient transporté à cet instant qui me paraissait, qui me parait chaque fois que je le vis, être dans l’intention de tous ceux qui l’ont précédé.

J’avais grillé des hamburgers pour plus que nous deux, nous n’étions pas seuls, et tu étais sage, toujours, un peu en retrait, comme si tu voulais réserver l’essentiel à un temps qui ne serait que le nôtre, à un jour où ton attention, ton énergie, ton existence n’auraient à se préoccuper de plus rien d’autre.

Je me suis couché par terre, sur le dos, pour contempler les étoiles, dans les récits d’ici il y en a toujours plus qu’ailleurs, pour tenter de deviner sous moi la rotondité de notre planète, pour songer à ces milliards d’années qui nous avaient placés là, si près, toi et moi.

Et alors que je ne m’y attendais pas, j’ai senti tes cheveux, ta tête, se poser doucement sur ma poitrine. Après je sais, je ne sais plus, les étoiles oui, nous.

Une si belle nuit.