Trois secondes et une quatrième

Des explosions qui me réveillent, la défense aérienne, et puis d’autres plus fortes, plus proches. L’attaque est d’une ampleur inhabituelle.

J’entrouvre la fenêtre pour mieux percevoir les distances. Un chien apeuré galope le long de la rue. Pourquoi dans cette direction ? Il y a un sifflement dans l’air, pas très fort, comme un obus d’artillerie. Je me recroqueville dans l’angle de la pièce où j’ai le moins de chances de recevoir des éclats, les mains sur la nuque, j’oublie d’ouvrir la bouche.

Trois secondes, pendant lesquelles je ne pense rien, où je me fais boule face à potentielle une onde de choc, où j’anticipe juste l’explosion, qui se produit plus loin, déclenche l’alarme des automobiles. Et puis une quatrième, où me revient ce qui m’est le plus important, où je me représente ton visage, sous d’autres bombardements, le regard alors de tes enfants. Les détonations se font plus lointaines, plus rares.

Doucement je descends l’escalier pour aller boire un verre d’eau à la cuisine, les mains un peu tremblantes. Il y a déjà Irina, qui préfère dormir là parce que c’est le rez-de-chaussée, et Andreï debout sur la banquette pour voir plus loin, qui dit que ça a explosé au prochain pâté d’immeubles. Je ne le crois pas mais il a raison. Je tente une fanfaronnade qui reste sans effet. Il n’y a que le capitaine qui apprécie mes propos décalés sur la météo alors que nous nous faisons bombarder. Je m’assieds sur le carrelage, tout près du chat, que j’ai envie d’envelopper de mon corps. On est toujours plus fort quand on protège.

Qu’est-ce que je voudrais faire de la suite de ma vie ? Voir le spectacle de danse de tes filles, que nous allions tous à la représentation de la Reine des Neiges, t’offrir un énorme bouquet de fleurs. C’est tout ce que je veux.

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