Dorohozhychi

Une alarme aérienne, encore. J’ai le sentiment que c’est la millième fois. Kyiv compte encore ses morts de l’avant-veille, pour l’instant on sait qu’il y en a vingt-trois (on en dénombrera finalement trente). Demain sera jour de deuil.

L’Administration militaire annonce le lancement d’un missile hypersonique. Il est un peu plus de treize heures, il y a un soleil magnifique, éblouissant, très bas dans un ciel d’un bleu délavé. Je sors pour traverser le parc. Dans la petite rue un peu en pente, entre les immeubles, juste devant moi, un vieil homme tombe, je me précipite. Laborieusement je l’aide à se relever, il s’agrippe à mes vêtements, ramasse son cabas et me murmure «spacieba».

Je reprends mon chemin dans le parc, totalement ébloui de lumière cuivrée, il fait doux et je pleure. Sur le moi-même que j’ai aidé à se relever, sur ma singularité d’aujourd’hui. Car je suis bien venu jusqu’ici pour ne plus tricher, n’est-ce pas ? Parce que je n’ai plus le temps de m’illusionner. Pour tenter de répondre à la question de l’irrémédiable de la solitude. Alors ?

J’atteins la station de Dorohozhychi où quelques dizaines de voyageurs et de riverains sont réfugiés.

Une sonnerie. C’est la fin de l’alerte.

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