Une place où être

Depuis la mi-décembre, quand la chaussée s’est affaissée au-dessus du tunnel, le métro s’arrête à Lybidska, puis il faut poursuivre sa route dans l’un des grands bus jaunes qui font halte devant le centre commercial.

Ce matin, la masse des voyageurs se resserrait au sortir des quais pour emprunter le seul escalier roulant en service, et on devait piétiner quelques instants avant de s’y engager. Progressivement je sentais le nombre se resserrer autour de moi, jusqu’à percevoir le frottement de vêtements contre ma veste en duvet, le mouvements de membres engoncés dans leurs épais habits d’hiver, sans pour autant être bousculé. Comme si la foule dans son mouvement me signifiait qu’elle ne me rejetait pas, que j’y avais ma place, que personne au monde ne me la disputerait. Puis l’ascension a débuté, à la suite d’un sac à dos tout entier recouvert de l’impression d’une tête de tigre qui me précédait depuis un moment.

Au sortir de la station, j’avais espéré la lumière. Je n’ai trouvé le long d’Antonovycha qu’une grisaille qui m’a paru moins protectrice que la pénombre des entrailles, un vent mordant qui poussait au repli, sur soi, entre des murs clos. J’ai laissé passer un bus bondé, pour en prendre un second, qui m’a déposé à un arrêt incertain, enchâssé de travers entre la circulation, quelques marchroutkas et d’autres camionnettes à la destination vague. Le compte à rebours du passage pour piétons menant au souterrain qui franchit la large avenue égrenait son compte à rebours.

J’ai couru.

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