Malgré tout

Ils m’ont plaqué au mur, presque comme si je n’existais pas, comme si ce jour-là c’était moi l’Ange dans leur dos. Elle frêle et tellement d’ici, lui blessé de guerre, le visage entaillé, les yeux presque morts – j’imaginais l’explosion, un avant, un après – recouverts d’une sorte de lunettes de ski.

Par la main elle l’a guidé jusqu’à notre portion de quai, l’a écouté lui murmurer quelque chose, lui a répondu à l’oreille avec tendresse. Montés dans la rame, elle l’a conduit au dernier siège libre, s’est assise sur ses genoux, ceinte de ses bras. Il a déposé un baiser sur sa joue.

Debout je pleurais, et ça se voyait. La dame à ma gauche m’a regardé d’un air réprobateur, peut-être que les hommes ça ne larmoie pas, le monsieur à ma droite avec une expression de surprise. J’ai baissé les yeux, les ai rivés au plancher du wagon.

Mais ça n’aurait pas été être un homme, de ne pas sangloter en voyant ces doigts entrecroisés malgré tout. Et je ne suis pas seul à pleurer dans les métros de Kyiv.

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