Touché la piste, touché le fond, beaucoup trop vite, beaucoup trop long. Je devrais remettre les gaz, tirer le manche, me retrouver en plein ciel, tenter une nouvelle approche. Mais je roule, je roule, la main figée sur la manette des gaz, le manche au neutre, fasciné par les traits blancs qui défilent sous moi. Le siège du co-pilote est vide. Le bout de piste n’est plus très loin. L’impact est proche. Volonté, destinée, tristesse, je ne sais pas, je ne sais plus.
Mon horizon est artificiel, il recule à mesure que j’avance. Mon altimètre est calé à zéro. Sur ma tête les nuages s’amoncellent. Mais je ne fais rien, tétanisé. Dans mon casque, il y a des voix qui grésillent: T’aurais pu… Tu devrais… Il faudrait… N’y a-t-il pas une balise qui dise: On t’aime sans conditions, on t’aime c’est tout. Je ferme les yeux.
Tu te souviens, notre retour sur les Alpes, face à la dépression, tandis que la nuit tombait. Bien sûr que nous avons eu raison de ne pas mourir ce soir-là. Bien sûr que je suis heureux de vivre maintenant, de vivre enfin, après un aussi long sommeil. Mais qu’est-ce que ça fait mal des fois.
C’est toi qui m’as dit un jour qu’au-dessus des nuages il y a toujours le soleil. J’espère que tu as raison.