De ces fois où l’on voudrait ne jamais partir.

Je m’en souviens à l’instant, c’était il y a juste un mois.

Mon dernier réveil dans la petite maison. Notre ultime « bonjour ! » au petit-déjeuner, avec tout le monde réuni autour de la table.

Toi, dans ton pyjama d’emprunt, celui qui te donnait l’allure d’un ourson. Peut-être un peu plus silencieuse que d’habitude, enfin j’aurais bien voulu. Les toasts que l’on grille, et le sachet de thé pour deux. Les mâchoires qui font craquer les corn-flakes. La valise bouclée avec son ruban orange.

La pluie ensuite, la voiture qu’on nous prête pour aller dans cette ville qui me semble presque déjà étrangère, comme le décor d’une pièce qu’on ne jouera plus. La dernière fois qu’on se perd. Ce temps qui se comptait en semaines, puis en jours, en heures, et dont j’égrènerai bientôt les minutes. La boule dans le ventre, les mâchoires qui se serrent avec le cœur, et les larmes qui me montent aux yeux, que je ne veux pas montrer.  Une librairie, et puis les grandes tasses brûlantes, dans ce café où nous avions presque nos habitudes. Et parler, parler encore, comme si nous étions là pour toujours. Parler de tes chiens, avec amour, parler de rien. Les regards qui se font un peu plus profonds, et puis le retour.

Le déjeuner sans rien manger, des embrassades, je n’y suis plus. Dans mon sac tu as glissé une pomme. Et déjà la queue à la gare routière. Tu me mets un paquet de chewing-gums dans la poche. Te serrer le plus fort que je peux pour essayer de te faire sentir tout ce que je n’ai pas réussi à te dire. L’impression d’être un condamné qui va au peloton. Je tends mon billet au chauffeur. Et tandis que je m’assieds tu ressurgis soudain devant le bus, pour agiter la main, pour un dernier regard.

Et puis des panneaux sur l’autoroute. Partir, partir… Je ne fais plus que partir. Je voudrais m’être trompé de bus, un accident, que l’avion ne soit pas arrivé, me réveiller, n’importe quoi. Mais juste pouvoir téléphoner pour dire : Je suis encore là ! Peut-être que j’aurais dû rester, envoyer valser le travail et tout le reste, comme ça, sans but, sans espoir, juste pour être encore un peu avec toi.

Je me demande encore.

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