Est-ce qu’on arrivera à se toucher ?

« Excusez-moi. Avez-vous un frère ? » La serveuse, une jolie fille au port altier, me regarde l’air interrogateur. Un peu gêné. Elle a dû hésiter un moment avant d’oser.

C’est une étrange histoire que cette question qu’on me pose si souvent. Presque une farce. On dirait que j’ai des frères, et surtout des sosies par dizaines. « Vous ne vous souvenez pas Docteur;  c’est vous qui m’avez opéré ? » m’a-t-on demandé un jour.

J’aimerais le rencontrer enfin cet autre moi-même protéiforme qui me précède partout. J’espère que c’est un homme de bien. J’ai l’impression parfois qu’il me vole un peu de substance. Qu’il y a des instants où je deviens transparent. Où je peux aller et venir comme je veux, instantanément accepté, mais dans l’incapacité d’interagir vraiment. Que vous pourriez tendre la main et me traverser. Que ça semble normal, parfaitement, que je sois à vos côté. Que j’y étais depuis longtemps déjà, et que j’y serai encore. Pour longtemps.

Et si un jour je n’y étais plus ?

Si on essayait de se tenir la main ?

Laisser un commentaire