« Ah non! Pourquoi rentrer? J’aimais bien l’été. » Dans le commentaire de Fred de mai au billet d’hier, il y a une question à la pertinence insoupçonnée.
Il n’y a pas de suite – sans doute n’en y aura-t-il jamais – parce qu’il y a peu de chances qu’une belle histoire s’écrive à l’envers. C’est-à-dire que l’on puisse inverser la préséance du sentiment sur le baiser sans se perdre. Et je me suis perdu souvent. Car je ne suis pas à même de traverser sans m’arrêter les étreintes fugaces et les nuits sans lendemain. Je ne peux désavouer mes gestes, revenir sur mes caresses, laisser mentir mes mains. Aussi je reste. Et l’on s’attache. Souvent pour longtemps. Se confinant comme tant d’autres que je connais aux amours de plaine.
C’est donc qu’il y aurait des amours de cimes ? Nous y avons tous cru je pense. Au moins l’été de nos dix-huit ans. Je me trompe ? Pour se laisser happer un peu plus tard par une apparente raison et ces mille choses qui composent la vie. Le rêve se dissipe, on se dit qu’on était leurré… Pour se faire rattraper, pour s’éveiller, dix ou quinze ans plus tard. Brutalement. On ne bâillonne pas ainsi l’aspiration de ce à quoi on est destiné : Cette part manquante de nous-même, ce dialogue qui n’a pas de fin, l’Attendu.
Quant à moi, je ne veux plus trahir ma vocation d’alpiniste, ne plus renoncer, ne plus me perdre. Quitte à dévisser. Encore. Et à recommencer. Ensuite. Pour vous écrire un jour, peut-être, que j’ai pris pied sur ce sommet que des nuages cachent aux gens de plaine. Qu’il existe, qu’on y vit, et qu’on y aime.
Es-tu partante ?
P.S. Marine nous a envoyé jeudi un billet de là-bas qui se conclut par :
« Et le manque de lui, depuis trois heures qu’on s’est quittés. Mais le rêve recommence dans moins d’une heure. Et si je dois me réveiller un jour, laissez-moi au moins ce sourire au travers de mon visage. Parce que c’est comme sur la photo, c’est comme dans le si joli film regardé à deux tout à l’heure. Une barque qui glisse tout doucement à la surface de l’eau. Les feuilles qui bruissent. Nos souffles qui s’emmêlent. Et, dans l’eau, notre reflet. Ne lâche pas ma main.»