Sonate pour pastis d’une nuit d’été.

L’après-midi en vert et bleu. Comme le papier-cadeau retrouvé sur l’étagère de la cave. Ciel en ultra-bleu brûlant de torpeur dominicale au-dessus de la pinède vert passé.

Vert tendre et craquelé de l’herbe à hauteur des yeux au premier plan, avec un peu plus loin le bosquet en toujours vert intense d’estivalité. Au-delà, bleu se fondant au blanc de l’onde lascive qui caresse le rivage. Bleu de mon linge de bain avec un grand sourire tissé sous le vert d’une bouteille de PET au liquide tiédissant.

Bras en croix, lunettes de soleil glissant sur le nez, je tente de percevoir sous moi la rotondité de la géosphère. Relent de bergamote de la lotion solaire. Et le sel de la sueur dans les yeux, dans le cou, sur les lèvres.

Un peu plus tard, torse nu sous le parasol au bord de l’eau, les glaçons tournent autour du thé froid qui se dilue trop vite dans son gobelet de plastique. Une table à côté, une grande fille en maillot de bain, les cheveux crépus, me regarde en souriant avec douceur. Est-ce que je la connais ?

Et puis dans la nuit qui descend un pastis, deux, trois…

Un jour peut-être que je te dirai que tu me manques. Je ne sais pas.

Que tu me manques depuis bien avant nos adieux du bout des yeux, depuis avant que je te dise que tu me manquerais, depuis avant notre rencontre.

Que tu me manques depuis les couloirs de l’internat où je rêvais de toi sans les images. Depuis tous ces bals où je regardais tourner les couples au son de l’accordéon. Depuis toutes ces bières au milieu des copains passées à t’imaginer, sans savoir. Depuis toutes ces Fêtes des Vendanges où tu me manquais jusqu’à pas d’heure, jusqu’à ce que j’oublie comment j’avais fait pour rentrer et que je voie ma chambre chavirer. Depuis tous ces pétards qui me faisaient tourner la tête sans me faire t’oublier. Depuis toutes ces promenades solitaires en hiver, le long du rivage, sous le vent glacé. Depuis cette matinée de Karlovak où je serais peut-être resté. Depuis tous ces réveils et toutes ces remises en question. Depuis toutes ces journées passées à ne pas avancer, pour te laisser me manquer. Depuis que j’ouvre les yeux avec ton prénom dans les rêves. Depuis que je m’adresse à toi lorsque tu n’es pas là. Depuis que je te vois dans d’autres silhouettes.

Tu me manques beaucoup.

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