Dans mon rêve, je ne regrette rien, ou bien il y a une clique qui assassine allègrement la chanson d’Edith Piaf. Mais ça n’est pas un songe. Les fenêtres grandes ouvertes qui laissent filtrer les flonflons du Parc me réveillent.
Et vite je me retrouve en bas, pas rasé, pas encore accordé au rythme de la journée commencée sans moi. Aujourd’hui, c’est le vide grenier. Les objets en disgrâce sont déposés sur l’herbe en attendant un acheteur bien attentionné. Le parc, d’habitude nonchalant, s’est animé de curieux qui furètent le long des allées périphériques.
Une voix dans mon dos m’appelle et insiste. C’est Pietro avec Lina. Ils ont amené un grand parasol, une table, tout un bric-à-brac, et des chaises. Ils y a des chaussures, un poste de radio à lampes, une bicyclette d’enfant… Il y a aussi du café glacé qui coule dans un gobelet de plastique et me ramène à moi. Des voisins me serrent la main. Ça va ? Le soleil me brûle la nuque. L’été m’a rejoint.
Sans transition l’après-midi s’en vient. Je retrouve les bancs ombragés sous les grands arbres, les terrasses pour se désaltérer, les cornets glacés dans les rues pour flâner. Ce soir, je pourrais retrouver au bord du lac ce bout de colline où j’entretiens mes habitudes estivales. Ce coin de pins parasols qui suggère le Sud. Je rentre à pied, anesthésié. Dès la porte qui s’ouvre sur un peu d’ombre et de fraîcheur, le téléphone sonne. C’est Roger et France derrière lui. Ils m’appellent pour l’apéro et puis le dîner.
Je passe le portail. Il y a une table sous une tonnelle, un panier en osier et une corbeille de pain, sur un banc. Deux sourires apparaissent qui m’attendaient. Puis le chat. On se retrouve autour du pâté et des olives, de la saucisse et du fromage. Dans les verres embués, il y a du rosé, fruité. L’air fraîchit de la nuit qui descend. Un long crépuscule. On me tend un lainage pour ne pas prendre froid. Discussion animée avec la braise de deux cigarettes rougeoyant dans l’obscurité. Une bougie s’allume qui éclaire étrangement les visages. De bas en haut.
On parle de Société, de politique, du Parti. Discours passionnés. On parle de moi de la périphérie au centre, de mes dernières vacances.
Je voudrais m’arrêter dans le noir, juste avant minuit, à l’extrême limite d’aujourd’hui et de demain. Rester là entre rêves présent et futures réalités. J’aimerais être riche à jamais de tous mes potentiels, de tous mes projets, de tous mes rêves. Ne plus rien dépenser. Ne jamais échouer puisque je n’aurais rien tenté. Me lover pour longtemps dans la tiédeur de la jaquette que l’on m’a prêté. Que tout se fige comme un arrêt sur image.
Je rentre à pied, et mes pas résonnent dans les rues désertes. Mes pas et d’autres aussi. C’est la vie qui me suit et me précède, chemine à mes côtés, me bouscule puis m’attend, me sourit.
C’est la vie en marche.