Après, je ne sais pas.

Hier en fin de journée le Temps m’a dit : « soyons amis! » Et lui qui jusque-là me tenait éloigné de l’instant où j’aurais voulu vivre m’a recouvert de son manteau. C’était comme la couverture sur le divan, celle qu’on prend pour la sieste après déjeuner, le dimanche après-midi, quand rien ne bouge, quand il n’y a rien à faire.

On était dans la banlieue zurichoise, dans les couloirs climatisés d’un immeuble de verre. De l’autre côté de la cour, un étage plus bas, je voyais une grande fille téléphoner d’une salle de conférence vide. Comme dans un film dont on aurait coupé le son. Les mains dans les poches au fond desquelles je sentais un mouchoir chiffonné, j’essayais d’imaginer le dialogue. Dans le hall, il y avait un tas de types en costume-cravate, de femmes en tailleur, de porteurs de mallettes et de badges avec photo au bout d’un sautoir.

Et puis on est rentré par l’autoroute, très large, très longue, le soleil dans les yeux, le soleil dans les larmes, les paupières presque fermées, la vue blessée. On était immobiles, et le bitume défilait sous les roues. Les arbres des deux côtés étaient comme un décor de théâtre que l’on fait défiler pour donner l’illusion du mouvement.

Sur la radio on écoutait de l’opéra, et dans les tunnels on écoutait du silence et des parasites. La tête sur la main, le coude sur la portière, la conscience s’évanouissait par moments, pour une minute, pour cinq minutes, sans mémoire, sans consistance. Comme pour montrer que tout peut continuer d’exister sans nous, sans que l’on veille, sans qu’on s’inquiète. Et qu’alors on peut s’en moquer, ne plus penser, ne plus avoir le cœur en tempête, ne plus avoir l’esprit relié.

On m’a réveillé pour le café dans une station-service. Un peu chancelant, je me suis hissé sur un tabouret haut en cuir rouge et j’ai mangé le sandwich au jambon qui m’a servi de dîner. Contre le mur, il y avait une horloge inutile, figée sur dix heures dix,  arrêtée sur début de soirée lumineux.

On se reverra, c’est sûr. Tellement sûr que je n’attends pas. Le moment viendra.

Après, je ne sais pas.

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