Le souffle de l’Attendue dans l’air glacé du matin.

Dans le métro cahotant et bondé qui me conduit de la gare à la Place du Flon, une jeune femme, brusquement déséquilibrée, se raccroche à moi. Elle s’excuse en riant. Je lui souris.

Est-ce que tu lui ressembles ?

L’esprit encore ensommeillée, j’ai la vague impression que quelque chose me manque, quelque chose je ne connaîtrais pas encore. J’observe les passagers, regards endormis, mines maussades. Encore un métro, un bus. Je pousse la porte de mon bureau. J’allume la lumière. Mon écran scintille. Juste à côté, il y a une autre porte. Je frappe. Ma collègue lève les yeux, seule à cette heure matinale. Je m’assieds. « – Crois-tu que la destinée, parfois… » Elle m’écoute, pragmatique, sans juger, comme à son habitude, amie attentive.

Nous rencontrerons-nous un jour ?

Premiers téléphones. Tout s’enchaîne. Une ligne rompue. Une voiture vient me chercher, je serre des mains, visages souriants, j’écoute distraitement, je ne suis pas là. Des couloirs se succèdent, la Coordination me rappelle, machinalement je confirme, mais c’est un autre moi-même qui répond. Je fais la connaissance de la nouvelle, qui me regarde de ses yeux très bleus et semble trouver hilarante chacune de mes répliques. C’est à mon double qu’elle sourit. Moi, je me suis absenté.

Je pense à toi.

Midi enfin. A la salle de repos, je m’étends sur une chaise longue et je ferme les yeux ; j’ai la tête qui tourne un peu. Je ne parviens pas à dormir.

Je pense à toi.

Et puis l’après-midi qui s’écoule, linéaire, ensoleillée, comme un fondu au blanc. Toutes ces images que je ne me représente pas, toutes ces questions que je ne me pose pas, tous ces mots que je ne me remémore pas.

Sur le lac des oiseaux volent. Derrière la baie vitrée, je sens la chaleur du soleil sur mon visage.

Est-ce que tu penses à moi, des fois?

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