[«Ce qui t’est destiné ne te filera pas entre les doigts.»]
Maintenant que le temps s’est arrêté, je peux m’asseoir, souffler un peu, songer à demain. A ce lendemain qui viendra forcément, très beau, très clair. Ce lendemain que l’on peut rêver, que l’on devra construire, puis entretenir.
Car après, il faudra faire plus encore que s’aimer en dilettantes, amateurs éclairés. Il faudra s’aimer en ingénieux distingués de la fusion contrôlée.
Tu te souviens quand nous étions enfants. Nous aimions simplement et nous disions : Je t’aime !
Aujourd’hui, nous avons appris à ruser. Nous nous regardons, tentons un geste, contact physique, retrait, caresse ensuite. Premier baiser, un peu tremblant. Puis nous attendons : Je ne vais pas l’appeler tout de suite. Créer le manque. Jouer le jeu des non qui valent des oui, des oui qui ne disent rien. Nous couchons, mais nous ne savons pas vraiment. Quelques pas dans une existence en mutation. Puis la vie s’installe et les habitudes aussi. Un jour nous disons que l’on aime. Mais nous ne savons pas vraiment pourquoi.
Alors il faudra désapprendre tout cela. Etre à nouveau prêt à dire simplement : Je t’aime ! Quel que soit le risque, quel que soit l’enjeu. Même s’il faut tout perdre à l’instant, surtout ses illusions, et se retrouver seul.
Redevenir cet enfant.
Et puis ensuite, il faudra ne pas oublier le temps d’avant, d’avant que tu viennes, afin plus tard de se rappeler combien cette vie est précieuse. Se rappeler qu’il faut donner, reconnaissant.